L'art-thérapie
« L’art est beau quand la main, la tête et le coeur travaillent ensemble. »
de John Ruskin
Bonjour !
Après cette petite pause, les articles vont reprendre leurs rythme hebdomadaires (enfin, je vais essayer en tout cas !).
Cette semaine, je vous propose de vous intéresser à une pratique à la mode dans les médecines parallèles, mais dont les origines sont très anciennes: l'art thérapie ! On élargira plus globalement sur les rapports entre l'art et la santé, et sur ce que l'une a apporté à l'autre.
Qu'est ce que l'art thérapie ?
Bon, c'est assez évident mais précisons les enjeux
L'art thérapie consiste à stimuler les capacités créatrices d'une personne par de nombreux biais (peinture, dessin, collage mais aussi théâtre, musique, bricolage ...) afin de s'exprimer facilement et de libérer des sentiments enfouis.
C'est une psychothérapie : elle vise à guérir des problèmes psychologiques telle que des troubles de l'apprentissage, de l'anxiété, de la dépression etc.
Bon évidemment, pour un lumbago ou une fracture ouverte, c'est pas optimal, mais ça permet de s'occuper pendant que vous êtes alités.
Histoire de l'art-thérapie
- La catharsis
Le concept vous est probablement familier. S'il a un peu près autant de définition que d'utilisation, on peut dire qu'il désigne l'état dans lequel on se trouve dans une œuvre d'art: une représentation théâtrale, un tableau, un film. Quelque fois, l'œuvre peut libérer des sentiments et provoquer du plaisir.
En premier lieu, Aristote considérait que la catharsis permettait de libérer des pulsions mauvaises lorsque les spectateurs en voyait les conséquences désastreuses lors d'une tragédie.
- La genèse
Bien longtemps après, quelques hommes avisés s'intéressèrent aux réalisations de patients d'hôpitaux psychiatriques. Ils remarquèrent que certains patients était demandeurs d'une activité créatrice et que cette dernière avait tendance à calmer leurs pulsions. Le lien entre "création" et "bien-être" était fait.
Irren-Anstalt Band-Hain par Adolph Wolfli
Un des "fous" les plus prolifique puisqu'il a laissé plus de 1600 dessins et 1500 collages.
- Le mouvement thérapeutique
En 1950 a lieu la première exposition internationale d'art psychopathologique (réalisé par des patients atteints de troubles mentaux) à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris.
De nombreux médecins s'emparent des études afin de pouvoir s'en servir pour leurs patients. S'ensuit de nombreux études en psychanalyse et pédopsychiatrie notamment, afin de montrer l'intérêt dans la création comme médium. Elles ont révélé des effets bénéfiques pour les conditions de vie pour les personnes âgées, contre le stress et l'anxiété, contre les effets de traumatisme et pour les personnes atteintes de schizophrénie.
- Et aujourd'hui
Il existe en France une Ligue Professionnelle d'Art thérapie et des certifications délivrées par l'état. La technique est de plus en plus répandue et proposée dans les hôpitaux, centre de rééducation et centre de réadaptation.
Principe de l'art-thérapie
Le thérapeute va guider le groupe en vue de trois objectifs:
- Inciter la personne à s'exprimer, que ce soit directement avec le groupe ou le thérapeute ou de façon indirecte via la création.
- Réussir à porter l'attention sur un objet (l'œuvre) et lui donner une structure.
- Inciter à la réflexion sur la réalisation afin d'en dégager des sentiments, des émotions.
Art-Thérapie à l'hôpital Bretonneau
© Aphp
Le guide de passportsanté.net donne une très bonne description de la technique:
"Une séance d'art-thérapie se déroule individuellement ou en groupe, dans un endroit convivial qui ressemble plus souvent à un atelier d'art qu’à un cabinet de thérapeute. Avant d'entreprendre le travail de création, le thérapeute cherche à définir les motifs et les objectifs qui amènent le participant à suivre une thérapie afin de mieux le guider. Puis, il lui donne des conseils d'ordre technique relatifs aux matériaux choisis et l'encourage à s'exprimer en représentant visuellement ce sur quoi il a décidé de s'investir.
Bien que l'art-thérapie comporte une dimension verbale, le travail d’expression artistique demeure central à la démarche. C'est l'image qui sert de fil conducteur. Par exemple, la personne qui suivrait une thérapie dans le but de résoudre une relation conflictuelle pourrait, au départ, « peindre la douleur » qu'elle ressent. Graduellement, elle parviendra à peindre un tableau renouvelé de la situation et pourra finalement voir se dessiner une solution inédite.
Au début, cela peut paraître difficile à cause de notre tendance à analyser le moindre de nos gestes. Mais peu à peu, guidé par le thérapeute, on en vient, à force d'exercices, à s'exprimer plus librement. C'est en observant la manière de structurer l'espace, de disposer les formes, d'utiliser les couleurs, d'associer les idées qu'on parvient à donner un sens à sa création et à s'en inspirer pour effectuer les changements désirés dans sa vie."
Mais pourquoi je vous raconte tout ça?
Vous vous sentez peut-être à des années lumières de ce type de méthode, et en effet, il est très probable que vous n'ayez jamais recours à ce genre de thérapie.
En tant que peinturlureur à mes heures perdues, j'ai eu droit 100 fois à ce genre de remarque:
"Oui, c'est cool, mais moi je sais pas dessiner",
"J'ai pas le temps, moi, avec mon sport et mon boulot",
"T'as de la chance, t'as du talent !"
- Le "talent"
Bon, déjà, cette argument a tendance à m'irriter. On ne va pas dire à un marathonien qu'il est talentueux, mais plutôt qu'il s'est bien entraîné !
Peinture (et oui!) hyperréaliste de Linnea Strid
A ceci près que l'art ne se limite pas à son aspect technique, mais aussi à la grande part laissée à l'imagination. A bas le couple archiconnu papier + crayon ! Si votre technique ne vous permet pas des folies, pourquoi ne pas faire des collages, du papier mâché, des sculptures en terres, du graff, des pochoirs et j'en passe !
J'y reviendrai quand je parlerai d'art conceptuel, mais l'art moderne a bien compris cet adage. Pourquoi se fatiguer à dessiner parfaitement la réalité alors qu'il y a des moyens plus simple de représenter un imaginaire beaucoup plus intéressant, sans limite, peuplé d'idées, d'émotions, de messages ...
- La peur de l'œuvre
Dans la plupart des arts, et surtout en peinture, on s'attache beaucoup trop à l'œuvre finale. On a diviniser l'objet, tout en oubliant petit à petit qu'un jour, un homme a griffé la toile du haut de son pinceau.
On a l'image du peintre de métier qui vend ses toiles à des prix d'or dans une galerie. On a l'image des grandes toiles qui ornent le dessus des buffets des vieilles maisons bourgeoises. Je ne critique pas cela, il est difficile de vivre d'un art et c'est donc admirable.
Mais pour nous, petits créateurs de l'ombre, qui n'auront pas notre place à Orsay ou à Pompidou, l'intérêt de la création n'est-elle pas ailleurs?
La création n'est pas un don, c'est un besoin.
C'est le seul moyen de se parler à soi même.
C'est l'essence de l'imagination.
C'est la recherche de la beauté.