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De l'art et du béton

Fukushima, que s'est-il passé?

 

 

Ceci est le premier article traitant des sinistres du génie civil. Ce n'est pas forcément les choses les plus marrantes qui soit, mais de nombreuses méthodes de constructions ont été élaboré à partir d'accidents, que ce soit dans la construction de pont, de tunnel, de tour et même de centrales nucléaires. Avoir une bonne connaissance des causes d'un accident est la meilleur manière d'éviter de le répéter.

 

On a dit beaucoup de chose sur Fukushima, et 3 ans 1/2 après l'accident, la situation reste critique dans la région de la centrale. Pourtant, les autorités japonaises et Tepco ont pris soin de ne divulguer que le strict minimum (voir un peu moins) et de solliciter l'aide internationale le plus tard possible. Beaucoup des causes de l'accident sont restés flous pendant un long moment, même pour les experts internationaux de sureté.

 

En en parlant autour de moi, j'entends pas mal d'idées fausses sur les causes et les conséquences de l'accident. Je ne pense pas que ce soit un manque d'information, plutôt un excédent d'informations parfois contradictoires qui a donné une vision brouillée de l'évènement. Cet article a pour objectif de réexpliquer ce qu'il s'est vraiment passé le 11 mars 2011.

 

Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la situation actuelle de la centrale, sur la pollution engendrée, sur les projets à long terme. Cela fera éventuellement l'objet d'un autre article, mais je vous donne des liens intéressants pour répondre à ces questions à la fin de ce texte.

 

Enfin, il est conseillé de lire au moins en diagonale l' Introduction au domaine du nucléaire avant d'aborder la suite, notamment l'architecture des centrales classiques.

 

 

 

      Fukushima, carte d'identité

 

 

 

 

 

 

fuku-1.png

 La centrale de Fukushima Daishi est une des plus grandes centrales du monde. Elle est composé de 6 réacteurs à eau bouillante générant une puissance totale de 4696 MWe.

 

La centrale est situé au bord de l'eau pour une raison assez simple: pour assurer son fonctionnement (voir introduction), toute centrale a besoin d'utiliser une grande quantité d'eau pour son système de refroidissement. En utilisation courante, cette eau n'est jamais au contact avec les produits radioactifs et il y a des tests réguliers pour vérifier qu'il n'y ait pas de fuite.

 

Au contraire des centrales françaises, Fukushima est composé de réacteur à eau bouillante (REB).

Je vous avais expliqué le fonctionnement des centrales les plus courantes (les réacteurs à eau sous pression, REP), ceux à eau bouillante sont encore plus simple, puisque l'on se contente d'un circuit d'eau unique:

 

REBRéacteur à eau bouillante

© Wikipedia, CJ73

 

 

 

L'eau est amené à ébullition par la chaleur dégagé par le coeur. La vapeur fait tourner une turbine qui génère de l'énergie.

Ensuite, le système de refroidissement (qui utilise de l'eau de mer pompé) condense la vapeur sous forme liquide qui reprend la boucle.

 

En très (très) gros, les REB coûte moins chers mais sont moins sûr que les REP. Pour une raison très simple, il y a moins de barrière entre le coeur du réacteur et son environnement. L'intérêt du REP est d'isoler au maximum la composante radioactive, le circuit secondaire, responsable de la production d'énergie, n'est jamais en contact avec des produits radioactifs.

 

Évidemment des précautions supplémentaires sont prises dans ce genre de centrale pour garantir l'étanchéité. Néanmoins, dans le cas d'accident, la vapeur d'eau du circuit des REB est hautement radioactive et une perte de confinement entraîne donc un rejet de particule radioactive dans l'atmosphère. De plus, dans un REP, on peut injecter de l'eau froide dans le circuit secondaire sans crainte de contamination.

 

 

 

      L'accident étape par étape

 

Pour ceux qui préférerai une explication audio, le monde a publié une animation très claire et concise expliquant les différentes phases de l'accident. Elle est disponible içi:

Je me baserai en partie sur ces explications et plus généralement sur les notes explicatives (parfois tardive) provenant de l'IRSN (institut de radioprotection et de sureté nucléaire) et de l'ASN (autorité de sûreté nucléaire).

 

11 mars 2011 : Séisme de Tohoku

 

Le japon est situé à l'intersection de 3 plaques tectoniques imbriquées de façon complexe. L'activité sismique y est intense, et ce risque est bien connu de la population.

Le séisme de Tohoku était de magnitude 9, il est à priori le 5 séisme le plus violent depuis 300 ans (date des premiers relevés).

 

Localisation du séisme et tracé de son intensité ressenti dans les différentes provinces du japon.

 

 

 

Au moment du séisme, seul les 3 premiers réacteurs étaient en fonctionnement, les réacteur 4,5 et 6 étaient en maintenance.

 

Le tremblement de terre a engendré:

  • L'arrêt automatique des réacteurs en fonctionnement
  • La perte de l'alimentation électrique extérieur

Les centrales nucléaires ont beau être d'énorme productrice d'énergie, elles en nécessitent pourtant beaucoup pour leur refroidissement, principalement pour faire fonctionner les immenses pompes.

 

Le séisme a provoqué l'émergence de vague de plus de 10m de haut. Les digues de la centrales n'excédant pas 6m pour les réacteurs 1 à 4, ils sont touchés de plein fouet par les flots. La vague entraîna un endommagement des pompes nécessaire pour refroidir la centrales et des sources d'énergie de secours.

 

fuku_2.pngImage avant (à gauche) et après (à droite) le tsunami

© Google earth/Geo eye

 

 

 

J'ai expliqué que dans le cas d'un réacteur à eau bouillante, c'est directement la chaleur dégagé par la réaction qui fait évaporer l'eau produisant ainsi de l'énergie. Le système de refroidissement, qui permet de ré-condenser la vapeur pour un nouveau cycle, a aussi un rôle majeur: il permet de s'assurer qu'il y ait suffisamment d'eau sous forme liquide pour immerger intégralement les produits radioactifs.

 

De même pour les piscines de stockage des déchets usés: même si ces derniers sont inertes, ils continuent à dégager de la chaleur qu'il est nécessaire de maîtriser. En effet à partir d'une certaines températures, il y a emballement de la réaction et augmentation de la pression.

 

Pour éviter l'explosion, Tepco a du libérer de la vapeur d'eau (radioactive, du fait de la conception des REB), ce qui a permis de diminuer la pression dans l'enceinte. De plus, l'exploitant a injecté avec des moyens de fortune de l'eau de mer (puis plus tard de l'eau douce) afin de refroidir le réacteur.

 

Néanmoins, ces actions n'aurons pas permis d'éviter la fusion partielle des réacteurs 1, 2 et 3 et un percement de la cuve 1. Des rejets radioactifs conséquents ont eu lieu, d'abord sous forme de vapeur puis dans le milieu marin.

 

De plus, le refroidissement s'est fait en circuit ouvert: c'est à dire que l'eau a été injecté directement dans la centrale au contact avec les produits radioactifs. Tepco s'est donc rapidement trouvé avec une masse d'eau radioactive conséquente qu'il était nécessaire de stocker.

 

Réservoir d'eau contaminé

 © Le figaro

 

 

 

Pour plus d'information sur le déroulement de l'accident, en plus de l'article du monde:

 

 

 

      L'accident était-il prévisible?

 

 

Cette dernière partie est volontairement un peu plus polémique, puisque, même plus de trois ans après, les experts ne s'accordent pas tous pour répondre à cette question, pourtant très importante.

 

 

  • Sûreté et probabilité

La sûreté nucléaire est laissé en grande majorité à la charge de l'exploitant et du pays d'accueil. Néanmoins, la méthode la plus courante actuellement en sureté est la méthode probabiliste. C'est une application bête et méchante du proverbe: "le risque zéro n'existe pas".

Pour faire simple, les ingénieurs prévoient les pires scénarios (la fusion du réacteur, une fuite etc.) et calculent suivant de nombreux paramètres la probabilité que cet évènement ait lieu. Ensuite, on fixe une valeur arbitraire que la probabilité de l'évènement ne doit pas dépasser. A titre d'idée, le paramètre définissant la probabilité de fusion du coeur est de l'ordre de grandeur de 10^(-5) en France, soit 0,001% sur la durée de vie de la centrale(ce chiffre n'a aucune valeur officielle)

Cette méthode peut paraître défaitiste, puisque l'on "parie" sur la non-fiabilité de l'installation pour calculer son niveau de sûreté. Cependant, en l'absence de référence solide (l'accident de Fukushima est le premier accident majeur impliquant un séisme par exemple), il est difficile d'avoir des critères objectifs d'estimation de risque.

 

 

  • Des connaissances limitées

Le japon est un pays a très forte activité sismique, et cette particularité appartient à la culture du pays depuis des centaines d'années. Pourtant, encore aujourd'hui, et plus encore lors de la constructions des réacteurs de Fukushima, la prévision sismique est balbutiante. Les mécanismes des plaques sont complexes et pas toujours bien connus, et il y a peu de signe avant coureur sur la façon dont une faille va libérer son énergie. De plus, le lien entre séisme et tsunami est mal connu, et il est difficile de prévoir la hauteur des vagues engendrées par un séisme d'une certaine magnitude.

 

 

  • Mais de nombreux indices

En 1995, le séisme de Kobé bouleverse les idées sur le risque sismiques au Japon par son ampleur et les dégâts engendrés dans une zone jusque là réputée sûr. Depuis 1990, le Japon s'équipe de systèmes très perfectionnés de mesure du mouvement des plaques (le plus efficace du monde). Plusieurs sismologues mesurent une subduction croissante sous la poussé de la plaque pacifique qui entraîne une grande accumulation d'énergie. Il aurait donc était possible de prévoir au début des année 2000 la probabilité d'un séisme de magnitude supérieur à 8.

La centrale de Fukushima étant conçu pour résister uniquement à des séismes de magnitude 7 et des vagues de 6m de hauteur, ses critères de sureté aurait dû être réévaluer dans la décennie qui a précédé l'accident.

 

Ironiquement, l'accident a généré une vague de réévaluation du risque sismique dans le monde, amenant par exemple en France à une nouvelle carte des risques. EDF est actuellement en train de réévaluer tout ses installations, principalement les barrages et les centrales.

 

 

 

 

 

 

 

Voilà, c'est la fin de cet article sur l'accident de Fukushima. Comme je l'avais annoncé, je ne parle pas des conséquences de l'accident ni des mesures mis en place pour endiguer la perte de matière radioactive. Cela fera l'objet d'un article a suivre si je remarque que le sujet intéresse.

 

En attendant, je vous conseille de lire les bulletins de l’irsn et éventuellement de suivre l'actualité de la centrale sur l’acro.

N'hésiter pas à me poser des questions ou à me soumettre vos commentaires.

 

 

 

 

 



15/12/2014
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