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De l'art et du béton

Le dilemme du prisonnier


Une expérience de pensée très intéressante que je tenais à partager, même si elle est déjà relativement connue.

 

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  • Le problème

 

Il existe de nombreux énoncés du problème, mais qui sont tous similaires sur le fond. Je vous en propose une version.

 

La police a arrêté deux individus suspectés d'avoir réalisé un délit majeur, cependant elle manque de preuves pour les inculper. Les policiers proposent alors un marché avec les deux criminels: "Si l'un de vous dénonce l'autre et que l'autre se tait, le délateur n'aura qu'une année de prison tandis que le trahi écopera de 4 ans. Si vous vous dénoncez tous les deux, chacun écopera de 3 ans de prison. Enfin, si aucun de vous ne parle, vous passerez tous deux 2 ans en prison."

 

Un petit résumé en tableau

 

A/B dénonce se tait
dénonce (-3;-3) (-1;-4)
se tait (-4;-1) (-2;-2)

 Les chiffres indiquent le nombre d'année d'emprisonnement (d'années "perdues") pour les individus A et B.

 

À l'échelle individuelle, la situation idéale est donc de dénoncer son camarade sans se faire dénoncer. Cependant, il n'est pas possible de prévoir la réaction de ce dernier. Et si les deux individus se trahissent, ils auront tout perdu, puisque leurs peines seront plus fortes que s'ils avaient coopéré.

Sous le masque d'un problème presque mathématique apparemment  très simple se cache une espèce de "démonstration" de l'intérêt de la coopération dans l'évolution, et cela rend le sujet passionnant.

La plupart des propos dont je vais parler ici sont tirés de l'ouvrage "Supercooperators" de Martin Nowak, que je vous recommande vivement.

 

 

  • À quoi s'applique le dilemme du prisonnier ?

 

Ok, c'est bien joli, mais jusque-là, ça ressemble plus à un problème de baignoire qui fuit qu'à une théorie sur l'évolution !

Certes, si on regarde le problème d'une manière pragmatique, la situation a peu de risques de nous arriver et résoudre le problème n'a donc que très peu d'intérêt. Cependant, avec un peu d'imagination, vous vous apercevrez que cette situation se retrouve partout, que ce soit dans le monde animal ou dans notre société ! Un individu peut choisir ou non de coopérer avec quelqu'un ou d'agir de façon individuel, et les conséquences de ses actes varieront suivant son choix.

Quelques exemples la vie de tous les jours ou beaucoup plus général:

Nous sommes sur le quai d'un métro. Un groupe A de gens descend, un autre (groupe B) souhaite monter. Le groupe B peut choisir de monter tout de suite (d'agir de façon individuel) ou de laisser descendre le groupe A (de "coopérer"). Dans le premier cas, le groupe B sera plus vite dans le métro, mais si le groupe A décide de faire du forcing, il risque d'y avoir des échauffourées.

 

La meilleure situation pour les deux groupes est alors de coopérer.

 

Deux pays voisins possèdent une richesse équivalente. L'un des deux pourrait envisager de lever une armée pour aller conquérir son voisin pour accroître ses richesses, ou les deux pays pourraient décider de ne pas avoir d'armée et vivre donc de façon pacifiste.

 

Cependant, presque tous les pays lèvent une armée (qui coûte très cher) afin de dissuader leurs voisins de les attaquer. On est là dans la pire situation du dilemme du prisonnier (les deux camps ne coopèrent pas).

 

Le mode de vie de nombreux animaux est fondé sur une résolution du dilemme. Par exemple, chez les fourmis, certains individus ont des fonctions d'ouvriers, et d'autres de soldats. L'ouvrière, qui s'occupe d'aller chercher de la nourriture, pourrait décider de ne pas en offrir à la fourmi soldat, incapable de se nourrir toute seule.

 

Ce raisonnement serait même logique vis-à-vis de la sélection des espèces, seuls les individus les mieux adaptés survivent. Seulement, si l'ouvrière cesse de nourrir la soldat, la prochaine attaque de la fourmilière tournera au carnage et inversement, si la soldat arrête de protéger l'ouvrière, celle ci ne sera plus en mesure de la nourrir. On retrouve une quantité d'autres exemples dans la nature : le pluvian qui nettoie les ailes du crocodile, les coraux qui nettoient les poissons etc .

 

Cela illustre bien l'idée générale du dilemme du prisonnier. En acceptant un compromis, en acceptant de donner un peu de son temps, de ses richesses, de son travail, il est possible d'éviter le pire, pourvu que la personne à qui on offre cette aide fasse de même.

 

  • Comment résoudre le dilemme du prisonnier ?

 

Les stratégies les plus évidentes ne sont pas forcément les meilleurs !

En effet, pour limiter au maximum sa peine, il peut être tentant de dénoncer son complice. Mais si celui-ci se fait la même réflexion, les deux auront tout perdu ! On peut aussi vouloir dénoncer son complice pour au moins éviter la peine maximale. Cela fait plusieurs raisons de ne pas coopérer alors que nous avons vu que la meilleure issue pour les deux individus était de coopérer !

Plaçons-nous dans le cas d'un dilemme du prisonnier répété, ou chaque individu va pouvoir choisir sa position en fonction de ce qu'aura fait son compagnon au coup d'avant. De nombreuses stratégies sont alors possibles, en voici quelques-unes :

 

Le "nice guy" :  Coopère quoi qu'il arrive. Celui-là finira forcément pas se faire abuser par l'autre. Dans un monde parfait, ce serait bien sûr la meilleure attitude.
Tit for Tat :  (un prêté pour un rendu, donnant-donnant)Une des stratégies les plus robustes, il s'agit de coopérer en premier lieu, puis de copier son comportement à celui de son adversaire au coup d'avant.

Generous tit for tat : Mon préféré : le raisonnement est le même que précédemment, mais si l'adversaire ne coopère pas, on coopère dans 2/3 des cas. Cette stratégie est une des meilleurs et est très porté sur la coopération.

Win-stay, lose-switch : (on ne change pas une équipe qui gagne)Une des plus simple, et qui se révèle souvent meilleure que les "tit for tat". S'il y a eu "victoire" pour le joueur A (si les deux joueurs ont coopéré ou s'il est le seul à avoir trahi), celui-ci va conserver la même attitude avec une forte probabilité. Dans le cas contraire, il va changer d'attitude avec une forte probabilité. Cette stratégie s'apparente plus ou moins à de la revanche.

 

Beaucoup d'autres stratégies existent, et font ou on fait l'objet de nombreuses études en mathématiques.

Je ne vais pas les développer plus, mais voici un petit simulateur de l'efficacité des stratégies pour résoudre ce problème:

http://www.apprendre-en-ligne.net/jeux/dilemme/home.html

 

  • L'homme est-il un animal coopérant ?

 

 Un immense oui bien sur ! Et même si on se pense de moins en moins généreux et de plus en plus individualistes, il n'en reste pas moins que l'homme n'a jamais autant coopéré qu'aujourd'hui. Prenons un petit déjeuner. D'abord un grand café, dont les grains ont été récoltés par des agriculteurs Brésiliens. Ils ont ensuite été traités sur place par des ouvriers locaux, pour envoyer en Europe par des transporteurs. Sur place, ils sont passés dans une usine d'empaquetage, puis envoyés en grande surface où ils seront rangés et mis en rayon par les employés de grande surface et enfants ils vous seront facturés enfin par une caissière. Et encore, je vous épargne les personnes ayant collaboré pour construire les infrastructures et les machines nécessaires à tout ce processus ...

Et on en est qu'au café !

Bien sur, tout ceci est intimement lié aux progrès technologiques, et à la grande interdépendance dans laquelle nous vivons. Un ouvrier récoltant du café au Brésil n'a probablement pas l'impression de coopérer avec un inconnu européen. Cependant, même si de nombreuses inégalités persistent, cette coopération est profitable à chacune, et, problèmes financiers mis à part, sont plutôt satisfaisants.

 

Et pourtant, dans de nombreux cas, nous échouons lamentablement à ce jeu. Par exemple dans le cas des relations internationales que j'ai abordées un peu plus tôt. Mais aussi en écologie : nous choisissons très souvent de ne pas coopérer avec ceux qui nous succéderons en pillant les ressources et en influençant l'équilibre de la planète. Et même à une échelle plus réduite, deux personnes qui se disputent ou se battent après un accident ou pour une divergence d'opinion, c'est deux personnes qui ont choisi sciemment de ne pas coopérer, au détriment du leurs deux bien-être.

 

  • Que penser du dilemme ?

 

Bien évidemment, ce problème est bien trop simple pour représenter toutes les situations, il est beaucoup trop binaire. Souvent, notre coopération n'est pas totale tout comme notre individualisme

Il n'empêche qu'il présente de nombreux intérêts, malgré son aspect purement mathématique.

D'un point de vue biologique, il explique l'importance dans l'évolution de la coopération, et le comportement des animaux sociaux.

Dans notre société, il est le reflet de l'absurdité de certains de nos choix. Il met aussi en exergue que l'une des meilleurs stratégies pour une réussite individuelle est de coopérer au maximum.

Bref, soyez égoïste, donc soyez généreux !

 



10/11/2014
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